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mardi 15 décembre 2009

Fête du 14 décembre...


Tension sur le "pad", ordres qui fusent, jurons pour une radio qui marche mal, 36°C, 4 couches de vêtements, canule oxygène qui blesse le nez, harnais de 24 kg sur le dos... Pauvres hannetons.

Enfin libération de l'enfer : la 6-pales à 80m qui rugit, la ligne qui se durcit sous la rage de l'ulm, je caracole à 70 km/h, traverse le rideau de poussière, à 3 mètres sol. Jubilation.

Pas pour longtemps. Soudain, la ligne est détendue, l'ulm est sous moi, le câble me tire en piqué. Irrattrappable.

Je largue. 2 secondes, l'ulm est à ma hauteur, mon Atos hors de contrôle, je fonce dessus. Manoeuvre de dernière chance, mais le ruban rouge de milieu de ligne se matérialise devant moi. Ouf, passé. Turbulence qui m'envoie en piqué à 10 m/s. Juste ne pas se laisser arracher de la barre et espérer que le tumbling ne se fasse pas... Tout est trop violent et je me dépêche de dégager hors de ce tambour de machine à laver. Sueur.

5 min plus tard, plus calme dans une ascendance à dimension humaine, je réponds à Fred qui demande la destination "Sais pas ce que je fais, laisse moi reprendre une respiration..."

L'appel de l'air libère vite l'adrénaline excédentaire ; taper "go to Helmering" sur le vario et on y va.

Le Schwarzrand joue les fusées Ariane et me satellise à 5800m. -2°C, le nez coule, la nuque est duloureuse, tout le corps tremble. On est là pour ça ... j'essaye de synchroniser la respiration sur les impulsions d'oxgène rythmées dans la canule.

Il faut tenir encore plusieurs heures. Détendre les épaules, laisser voler le plus possible sans corriger toutes les embardées. Regarder. Le bush est immense, jaune et gris par les ombres des cumulus. La visibilité est stupéfiante. A l'ouest, on voit les sables du Namib, pourtant à 50 km. A l'est, le Kalahari est trop loin, mais je sais que ce haut-plateau sans fin y aboutit.

Une heure et demie quasiment "en dauphin"sans perdre la cote 5000 et Helmering est virée.

Longue remontée, rassembler les forces et chercher les restes de volonté au fond du corps secoué de tremblements. Se forcer à boire, malgré le froid et l'ankylose. Heureusement, le tube du Camel Bak ne gèle juste pas. Bientôt, l'oxygène s'arrête : j'ai fait trop long à plus de 5000 et j'ai tout aspiré ; pas grave, le pad est à portée de plané, j'exulte...

Encore 2 jambes vers la C14 et vers Maltahöhe, le soleil de 19 heures rase un bush balayé par une brise de 40 km/h. Déjà 6 heures 40 en l'air, il faut stretcher les jambes hors du cocon pour poser sans casse, ouf !

245 km, 5800 m d'altitude. Jamais volé si loin, si haut, si longtemps.

D'autres ont bouclé plus loin encore, mais chacun a gagné son combat contre l'épuisement, le froid, les doutes, le découragement. Trop beau !

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci pour ces news...
En France, il fait aussi -2°c...mais au sol !

Anonyme a dit…

Eh! les astronautes, est-ce encore la terre?
Thierry, j'ai lu, relu 4 x ton dernier vol, j'en avais le souffle coupé; à ce rythme, vous allez bientôt croiser les alliens.
Que la chance vous tienne compagnie ou votre sagesse et expérience.
Magnifique la transcription de ce vol et chapeau à chacun et particulièrement à Eric. (on s'était rencontré sur la pente école de Reignier)
et merci de vos reflets qui permettent de partager
quelques unes de vos impressions, sensations.
Etienne

jm varnier a dit…

Bravo Thierry, et merci pour tes commentaires !
A ce que vois les thermiques ont l'air plus musclés qu'à ... Pontarlier !!!...
Qu'est-ce que je vous avais dit ???
Bonjour à toute l'équipe et félicite Eric pour moi

Vianney Tisseau a dit…

La chaleur au sol, le remorqué qui foire proche du tumbling, le froid, la fatigue en l'air et les tremblements... Comment un mec qui ne vole pas peut arriver à comprendre ce qui nous pousse à partir aussi loin pour vivre ça ? Peut être en te lisant Thierry, tes récits sont bien magiques. Encore 12 jours et on est dans l'avion... Je tâcherais de poursuivre l'effort blogistique aussi bien que possible, je comprends à quel point il est jubilant de lire les récits des potes qui s'éclatent !

Fabien a dit…

Sublime le ciel constellé de cumulus!
Tu es trop fort Eric, Bravo pour tes 315 km une distance de folie à 5600m magnifique! chapeau à toute l'équipe pour vos récits et vos aventures quotidienne. On vous suit tous les jours. Bons vols et vivez à fond se rêve on vous lit tous les jours!!!

Martin Action Team MAT a dit…

Beaux récits, et rappelez vous les héros de l'"ancien" temps: Uli Wiesmeier a fait les premiers 100 km dans ces conditions de ouf... en parapente !

Anonyme a dit…

Merci pour ce moment de rêve partagé et d'avoir la possibilité de vous suivre à distance. Bravo avec mes amitiés. Meynard

Anonyme a dit…

Waouuuu
Super les gars, merci de nous raconter tous vos exploits. Continuer à vous en mettre plein les yeux et de nous faire partager vos photos
Christophe